Inoubliable rousse par Dani Fortet Marguerie

Publié le: Juil 05 2017 by Anita Coppet

Les tilleuls en fleurs embaumaient l’atmosphère. De bruyantes hirondelles s’affairaient dans leur nid. Dans le ciel, le ballet incessant des martinets annonçait, une belle journée de printemps dans le sud de la France.

–       Bonjour monsieur !

Attablé à une terrasse ombragée, Charley fut sorti précipitamment de ses pensées, par la voix aimable du serveur qui prit sa commande

Il ne pouvait se sortir Eve de la tête. Il l’avait connu quelques années auparavant, au cours d’un séjour linguistique en France, qui accueillait pendant deux mois, de jeunes adultes entre 17 et 21 ans. Ce camp, de peu d’élèves, était composé de deux sections Anglais et Français. Après les cours, tout le monde se retrouvait pour les repas et autres activités.

Âgé de 19 ans, le A-Levels (équivalent du bac) en poche, Il était venu parfaire son français. Après 3 ans d’université, Il avait décidé de devenir professeur d’anglais et d’enseigner en France. Il adorait, la langue, la façon de vivre des Français et surtout le climat.

Les deux adolescents avaient immédiatement sympathisé. Il avait été foudroyé par sa beauté, sa douceur, sa longue chevelure de feu et ses adorables taches de rousseur.

Malgré sa timidité, il l’invita au bal du 14 juillet et de là avait commencé une merveilleuse idylle.

Il avait vécu de superbes moments, les plus beaux jours de sa courte vie, en fait.

Mais la veille de son départ, Eve n’était pas venue à leur dernier rendez-vous. Il l’avait attendu toute la nuit puis, au petit matin, dévasté, avait été obligé de rentrer, afin de ne pas louper le train qui devait le ramener à Londres. A son retour il n’avait cessé de se demander pourquoi Eve n’était pas venue, se torturant sans cesse avec ces questions sans réponse.

Elle ne m’aimait plus ? Avait-elle rencontré un autre garçon ? Il s’était également souvenu que quelques jours avant son départ elle avait semblé absente, triste, préoccupée, mais elle avait refusé de lui dire pourquoi, il avait donc mis ça sur le compte de la fin du stage. La reprise des cours à l’université fut difficile, plus de trajet, beaucoup plus de travail aussi mais c’était le prix à payer pour la réussite de son projet. Le temps était passé, mais Charley n’arrivait pas et ne voulait pas oublier Eve.

Quelque mois plus tard, n’y tenant plus, il profita des vacances scolaires pour faire un aller-retour rapide en France afin de rendre visite, dans le Gard, à la directrice de l’établissement qui les avaient accueillis. Pour être honnête il espérait surtout en savoir plus sur Eve. Madame Lartigues était une femme sympathique, chaleureuse et toujours très disponible avec les étudiants qui se confiaient volontiers à elle. Eve l’appréciait beaucoup, alors peut-être lui avait elle fait des confidences ?

Le temps était splendide, sous un ciel azur les fleurs dégageaient des odeurs enivrantes.

–       Bonjour madame Lartigue, vous souvenez vous de moi ? je suis Charley Hartigan.

–       Bien sûr comment oublier un si gentil garçon avec de si beaux yeux et un si brillant étudiant !

–       Je suis venu de Londres pour avoir des nouvelles de Eve, vous souvenez vous d’elle.

–       Oui bien sur Eve cette adorable jeune fille, vous étiez toujours ensemble, comment oublier.Eve est rentrée chez elle, très précipitamment le matin après ton départ elle a fait ses bagages et a pris le premier car en direction de Nîmes.

–       Précipitamment ?

–       Oui sans explications elle est partie. Je pensais même que vous vous étiez disputés, elle était tellement triste.

–       Non oh non ! pas du tout. Elle n’est pas venue à notre dernier rendez-vous, la veille au soir. Je ne comprends pas pourquoi.

–       Ah bon c’est curieux ?

–       Je pensais qu’en venant chez vous, vous pourriez me donner quelques explications.

–       J’aurais aimé t’aider, mais je t’avoue que je ne comprends pas non plus. J’ai essayé plusieurs fois de la contacter sur son portable, elle m’a dit qu’elle avait quelques soucis.

–       Merci madame Lartigue, excusez-moi de vous avoir importuné.

–       Charley j’y repense, au cours de notre dernière conversation elle m’a dit qu’elle devait se marier, et depuis son numéro de portable ne répond plus.

–       SE MARIER !

Charley pétrifié par la nouvelle prit congé de la directrice afin de lui cacher sa détresse.

De retour à Londres, malgré cet immense chagrin qui l’étouffait, il se remis à étudier, réussit ses examens et obtint son diplôme.

Après de longues nuits d’insomnie et de réflexion, il décida de quitter l’Angleterre pour venir s’installer dans le sud de la France. Grace à quelques contacts, il décrocha un poste de professeur d’anglais à St Maximin, petite ville ensoleillée et agréable à coté de Toulon. Il ne supportait plus le climat et le brouillard londonien.

 

****************

 

Ses journées ne variaient guère. Après le lycée, il faisait quelques courses et rentrait immédiatement chez lui. Un repas frugal, des corrections de copies, et il allait sans tarder se coucher. Sa vie était morne, triste et insipide, il ne voulait aucun ami. Il n’y avait que sa chatte tricolore, Poppy, qu’il arrivait à supporter. Charley sombrait dans la dépression, sans même s’en apercevoir.

Quelques collègues avaient bien tenté de l’inviter plusieurs soirs pour faire quelques parties de bowlings, de billard, une sortie en boite, il ne voulait pas en entendre parler. A 23 ans il vivait comme un vieil homme solitaire et triste.

 

Un matin, en sortant de la boulangerie, il rattrapa de justesse une jeune personne à la chevelure rousse retenue par un chignon, lorsqu’elle se redressa en le remerciant, il remarqua ses taches de rousseurs, stupéfait il reconnut Eve, son inoubliable amour qui le hantait, encore aujourd’hui, jours et nuits. Incapable de faire le moindre geste, il la regardait bouche bée.

Eve en revanche avait immédiatement reconnu Charley, son Charley, cet homme dont elle avait été folle amoureuse à 18 ans. Elle reconnut ses yeux splendides, d’un bleu si particulier. Elle ne l’avait jamais oublié son immense amour.

–       Eve c’est bien toi Eve, je ne rêve pas s’exclama Charley lorsqu’il retrouva, enfin, l’usage de la parole.

–       Oui Charley c’est bien moi.

–       Mais que fais-tu là ?

–       J’habite ici depuis quelques temps

–       Ah bon avec ton mari ?

–       Mon mari, quel mari ?

–       C’est madame Lartigues, la directrice de notre centre de vacance, qui m’a dit que tu devais te marier !

–       C’est une très longue histoire Charley, as-tu un moment à me consacrer, je dois tellement de choses de choses à te raconter.

–       Oh j’ai tout mon temps, allons dans ce petit bar juste en face.

–       C’est parfait pour moi.

Ils s’assirent côtes à côte, Charley espérait tellement avoir, enfin, les réponses à toutes ses questions, qui le taraudaient sans cesse. Il aurait aussi aimé lui tenir la main, mais il ne savait pas comment Eve réagirait, et ne voulait pas l’effrayer.

Le bar était en retrait dans un rue animée et ensoleillée. L’endroit était agréable. Leurs boissons commandées Charley se lança.

–       Je vois Eve, que tu aimes toujours autant le lait fraise ?

–       Et toi le french ‘’ petit noir ‘’répondit-elle en riant. Et je sais déjà qu’il te manque le verre d’eau qui va avec… !

–       Tu as raison, je vois que tu t’en souviens !

–       Je me souviens de tout Charley !

 

Après quelques minutes apaisantes, la jeune femme commença son histoire à partir du jour où elle apprit la nouvelle, qui allait bouleverser toute sa vie.

La veille du départ de Charley, elle a su qu’elle attendait un enfant de lui. Un test l’avait confirmé. Sa première réaction fut de ressentir un grand bonheur. C’était l’enfant de l’amour de SON amour, mais passé ce moment d’allégresse, elle se dit qu’elle devait garder ce secret. Elle n’était pas sûre de la réaction de Charley, elle ne voulait pas l’obliger à prendre une décision le contraignant à prendre ses responsabilités. Comment ferait-il pour ses études, ses projets ? Mais elle cet enfant elle le voulait. Elle verrait bien ensuite.

De retour à Nîmes ses parents, rigides et soucieux du qu’en dira-t-on, avaient exigé qu’elle avorte ou qu’elle se marie rapidement avec un homme du village, de 15 ans son ainé. Louis, un vieux garçon d’une infinie gentillesse, avait fait sa demande des mois auparavant. Quand les parents d’Eve lui apprirent qu’elle était enceinte, il était venu la voir et avait renouvelé sa demande. Il l’épouserait, reconnaitrait l’enfant et l’élèverait comme le sien. Eve l’avait remercié sincèrement, peu d’hommes se serait comportés de la sorte. Mais elle ne l’aimait pas, voilà tout. Entre un mariage   pour convenances et un avortement, Eve avait décidé qu’il lui restait une troisième voie.

Le matin de ses 18 ans elle prit son sac à dos ses maigres économies et parti sans dire un mot. A la gare des cars, le premier à prendre la route était en destination de Saint Maximin. Elle monta, sans réfléchir. Elle se débrouillerait. Arrivée dans cette ville, qu’elle ne connaissait pas, elle fut prise en charge par une association, le temps qu’elle mette son enfant au monde et qu’elle trouve un travail. Au bon moment une place lui avait été proposée dans une boutique de prêt à porter. Ce qui lui avait permis de s’installer dans un petit appartement et de subvenir aux besoins de sa fille.

–       Voilà Charley tu sais tout et toi que fais-tu dans ce village ?

–       Je vis ici depuis deux mois, je suis professeur d’anglais au lycée.

Charley l’avait écouté attentivement, tout se bousculait dans sa tête. Il lui demanda

 

–       Comment s’appelle cet enfant ?

 

Sans aucune hésitation Eve lui répondit.

–       L’enfant, comme tu dis si bien, s’appelle Charley comme son père, c’est une adorable rousse qui à ses yeux ! elle a eu 4 ans en mai.

Eve éclatât de rire.

Alors il prit son courage à deux mains et lui posa la question qui lui brulait les lèvres depuis qu’il l’avait vu ce matin :

–           Eve es-tu libre ?

Sans aucune hésitation Eve lui répondit.

–       Oui Charley je suis libre, j’attends mon prince charmant !

 

Charley à son tour lui raconta son retour à Londres et le drame qui allait le frapper.

Une semaine après son arrivée à Londres il fut sorti de son sommeil par des policiers. De retour d’Ecosse, ses parents et son petit frère avaient eu un très grave accident de voiture. Ils avaient été transportés par hélicoptère vers l’hôpital de Londres, dans le service des soins intensifs. Hélas son père et son frère étaient morts dans la nuit, quant à sa mère était dans le coma dans un état stable. Afin de pouvoir financer les soins médicaux, il avait été dans l’obligation de renoncer à la prestigieuse université qu’il avait choisi, et en trouver une autre moins couteuse. Mais jamais, il n’aurait abandonné les études qui devaient lui permettre d’obtenir son diplôme. De multiples petits boulots effectués après les cours, lui avaient permis de survivre. Il dormait peu, étudiait et travaillait beaucoup. 3 ans après, à la veille de ses examens, sa mère toujours dans le coma, fut emportée par un infarctus.

Malgré son immense peine il réussit son examen. Après les obsèques, il décida de vendre tout ce qui le rattachait, encore, à sa vie d’outre-manche et décida de s’établir définitivement en France.

–       Tu vois mon amour malgré tous mes malheurs tu ne m’as jamais quitté, maintenant, je suis définitivement et entièrement libre.

–       En fait tu attendais toi aussi ta princesse !

–       C’est exactement ça ! s’exclamât Charley avec un immense sourire.

Charley comprit, à ce moment-là qu’il pouvait enfin embrasser Eve et qu’elle ne serait pas effrayée.

La main dans la main, après une longue balade dans les ruelles animées, Eve proposa à Charley d’aller chercher leur fille à l’école, ce qu’il accepta avec émotion qu’il ne soupçonnait pas.

En attendant devant les grilles de l’établissement, il pensait aux dernières heures extraordinaires qu’il venait de vivre.

Quelques minutes plus tard, il vit arriver une adorable gamine, haute comme trois pommes, tout de rose vêtue, qui tenait la main de sa mère, rayonnantes, elles avaient toutes deux un immense sourire. Le bonheur était enfin là.

 

 

 

 

 

 

 

 

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One Comment to “Inoubliable rousse par Dani Fortet Marguerie”

  1. Adresse Postale
    3 rue de l'étang du moulin
    Voilà une charmante histoire, très romantique. Bien agréable à lire et à déguster comme un moment de fraîcheur au milieu de la chaleur qui règne aujourd’hui.
    Bravo pour votre écrit.

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